Des dizaines de policiers, deux interpellations et son épouse assignée à résidence: le procès d’un avocat chinois spécialisé dans la défense des droits de l’homme s’est déroulé à huis clos mercredi au nom du « secret d’État ».
Une cinquantaine de policiers bloquaient l’accès au tribunal de Tianjin (nord), où avait lieu le procès pour « subversion » de Wang Quanzhang, a constaté une journaliste de l’AFP.
La tenue même du procès de l’avocat n’avait pas été annoncée officiellement. La date n’en a été divulguée que par son épouse à la veille de Noël.
En fin de journée, le tribunal a finalement annoncé que le procès avait bien eu lieu et que le verdict avait été mis en délibéré jusqu’à une date non précisée.
« L’affaire comportant des secrets d’État, la cour a décidé de ne pas ouvrir le procès au public », s’est-elle justifiée.
Me Wang est le dernier d’un groupe d’environ 200 défenseurs des droits humains arrêtés en juillet 2015 qui n’avait encore été ni jugé ni libéré.
L’avocat, âgé de 42 ans, a défendu des militants politiques, des membres de la secte interdite Falungong et des paysans dépossédés de leurs terres.
Il a été formellement inculpé de subversion en janvier 2016 – un crime passible de la prison à vie, a souligné l’organisation Amnesty International, dénonçant une « mascarade cruelle » et un « faux procès ».
Des sept personnes condamnées après le coup de filet de juillet 2015, le plus lourdement sanctionné a écopé de huit ans de prison il y a tout juste un an, le 26 décembre 2017.
« Wang Quanzhang est persécuté pour avoir pacifiquement défendu les droits de l’homme », a déclaré dans un communiqué Doriane Lau, d’Amnesty International, en rappelant qu’il avait déjà été « détenu plus de trois ans sans que sa famille sache jusqu’à récemment s’il était vivant ».
A Tianjin, devant les journalistes tenus à l’écart du palais de justice, un homme a dénoncé d’une voix forte les poursuites contre Me Wang, avant d’être poussé dans une voiture par des policiers en civil.
« Vous avez arrêté un érudit que les gens n’ont même pas le droit de voir. C’est du fascisme », a lancé l’homme. « Les Chinois ne doivent plus vivre dans la peur, nous devons lutter contre l’oppression et faire preuve de courage », a-t-il crié.
Plus tôt, un manifestant porteur d’une pancarte « Libérez l’innocent Wang Quanzhang » avait également été interpellé, a déclaré un témoin à l’AFP.
– Tête rasée –
Le régime communiste a pris l’habitude de faire condamner des opposants politiques en fin d’année, lorsque l’attention des pays occidentaux tend à se relâcher.
L’épouse de Wang Quanzhang, Li Wenzu, qui s’était rasée la tête la semaine dernière pour dénoncer la détention prolongée et sans jugement de son mari, a annoncé mardi que « plus de 20 » membres des forces de l’ordre stationnaient en bas de son domicile pékinois en début d’après-midi, l’empêchant de se rendre à Tianjin, une ville distante de plus de 100 km de la capitale.
En mai dernier, Mme Li avait été reçue par Angela Merkel lors d’une visite de la chancelière allemande à Pékin.
Les États-Unis et l’Union européenne s’étaient également émus du sort de l’avocat.
A Hong Kong, où il reste possible de manifester, une cinquantaine de personnes ont protesté dans la matinée devant le bureau de liaison du gouvernement chinois en soutien à Wang Quanzhang.
« Après trois années de détention, il est à présent en procès à huis clos. Seul l’État nazi au siècle dernier aurait pu avoir recours à de telles méthodes contre son propre peuple », a tonné le député prodémocratie Kwok Ka-ki.