Des mélodies romantiques résonnent mercredi dans les maisons et les bureaux d’Harare: pour la Saint-Valentin, des escouades de saxophonistes se sont transformés dans la capitale zimbabwéenne en livreurs de billets doux.
Malgré une grave crise économique qui dure depuis plus de vingt ans et une société conservatrice qui décourage les démonstrations publiques d’affection, le Zimbabwe célèbre la fête des amoureux. Et la dernière tendance dans le pays d’Afrique australe est d’engager un saxophoniste pour organiser une tendre embuscade à sa bien-aimée.
Arundel Matoi, plus connu dans le pays sous son nom d’artiste Sir Arundel, avait pour mission d’aller surprendre sur son lieu de travail Tarisai Leoba, avocate.
Embauché à distance par le mari de cette dernière installé au Canada, le musicien a d’abord fait mine de rien en arrivant au cabinet, prétendant être là pour recevoir des conseils juridiques.
Puis lorsque l’occasion s’est présentée, il a sorti son instrument et s’est lancé, à la surprise générale, dans une interprétation solo du titre « Love Nwantiti » de l’artiste nigérian CKay.
« On ne m’a jamais fait une surprise comme celle-ci, j’en suis bouleversée. Tout ça me fait me sentir très spéciale », a déclaré à l’AFP Tarisai Leoba.
Bouquets de dollars
Dans un pays à l’hyperinflation galopante, où la monnaie nationale fortement dévaluée est remplacée au quotidien par le dollar américain, les fleurs des bouquets livrés avec les sérénades sont souvent entremêlées de billets verts.
Tout manque au Zimbabwe où le quotidien est marqué par les pénuries de nourriture, d’essence, de médicaments ou encore d’électricité.
Mais « le saxophone a le vent en poupe », constate Sir Arundel. « Les gens nous réservent pour des célébrations et des mariages. C’est un nouveau +must+: Il faut un saxophoniste » à la fête.
Pour la Saint-Valentin, « j’ai beaucoup répété, j’ai un grand nombre d’engagements prévus », se félicité l’artiste.
Les services d’un saxophoniste sont facturés entre 60 et 200 dollars la prestation, une petite fortune dans le pays où près de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Mais le son de l’instrument inventé il y a plus de 170 ans par un Belge est « exotique par rapport à nos musiques traditionnelles et, comme c’est une nouveauté au Zimbabwe, les gens en tombent amoureux », explique Stephen Nyoni, lui aussi saxophoniste, connu sous son nom de scène Stavo Sax.
Pour lui aussi, la Saint-Valentin est la journée la plus chargée de l’année et il court de rendez-vous en récital surprise: « La demande augmente mais il y a beaucoup de saxophonistes au Zimbabwe, alors nous nous partageons les clients », explique-t-il.
« Les gens pleurent, ils sont tout déboussolés, certains ne savent pas trop comment réagir. Au final, c’est toujours un curieux mélange d’émotions », raconte Stavo Sax.