La police suisse a dispersé sans ménagements samedi une manifestation d’opposants au président camerounais Paul Biya, qui se dirigeait vers l’hôtel où il séjourne actuellement à genève.
Quelques 250 personnes s’étaient rassemblées en début d’après-midi sur une place près du siège européen des Nations unies et à proximité de l’hôtel Intercontinental, brandissant des drapeaux camerounais, des pancartes et des affiches hostiles à Paul Biya.
Lorsque la foule s’est dirigée vers l’hôtel, la police, présente en force autour de l’établissement, l’a repoussée à coups de gaz lacrymogène. Un canon à eau est également intervenu pour disperser les manifestants.
« Nous, Camerounais, exigeons que le Cameroun entre dans l’ère du modernisme démocratique, alors que nous vivons depuis 37 ans sous la dictature sénile de Paul Biya », avait auparavant déclaré Robert Wanto, responsable du Conseil des Camerounais de la diaspora, qui vit en exil en France depuis près de trente ans.
« Ce dictateur a pris ses habitudes à l’hôtel Intercontinental, où il dilapide des milliards de nos francs, alors que le pays est économiquement malade. On ne peut pas l’accepter », a-t-il ajouté, faisant état d’un « ultimatum » adressé au président camerounais pour qu’il quitte les lieux, peu avant le début de la manifestation.
L’ambassade du Cameroun à Berne avait lancé une mise en garde plus tôt dans la semaine, affirmant que des Camerounais vivant en Europe se préparaient à une « violente » manifestation en Suisse samedi.
La police de Genève avait indiqué qu’elle s’attendait à une « importante » mobilisation, qui ne serait pas autorisée à approcher à moins de 500 m de l’hôtel de Paul Biya.
L’établissement était aussi protégé samedi par des membres du service de sécurité du président camerounais.
Cette semaine, des affrontements mineurs les avaient opposés à des petits groupes de manifestants, jusque dans le hall de l’hôtel.
Le gouvernement suisse avait convoqué jeudi l’ambassadeur camerounais pour protester contre l’agression d’un journaliste suisse couvrant ces événements par des membres présumés du service d’ordre présidentiel.
Le Cameroun, dirigé par Paul Biya, 86 ans, au pouvoir depuis 1982, est en proie à de multiples tensions.
Les séparatistes anglophones du Cameroun, pays à majorité francophone, militent pour la création d’un Etat indépendant dans l’Ouest.
Fin 2017, après un an de protestation, des séparatistes ont pris les armes contre Yaoundé. Depuis, ces régions sont le théâtre d’un conflit armé qui n’a cessé de prendre de l’ampleur, poussant plus de 530.000 personnes à quitter leur foyer, selon des chiffres de l’ONU. Et en vingt mois, le conflit a fait 1.850 morts, selon le centre d’analyses géopolitiques International Crisis Group (ICG).
Dans le Nord du pays, ce sont les jihadistes de Boko Haram qui attaquent régulièrement les forces de sécurité.
D’autre part, des manifestations sont régulièrement organisées par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti de l’opposant Maurice Kamto, depuis la présidentielle d’octobre 2018, que ce parti a qualifié de « hold-up électoral ». M. Kamto, arrivé deuxième derrière le président Biya, est en prison depuis janvier.