La Cour suprême américaine se penche mardi sur le sort de près de 700.000 jeunes migrants, protégés depuis 2012 de l’expulsion par un programme dont Donald Trump remet en cause la légalité.
L’adoption, par l’administration du président démocrate Barack Obama, de ce programme baptisé DACA, avait régularisé la situation de milliers de jeunes –surnommés les « Dreamers » (rêveurs)– entrés illégalement aux Etats-Unis dans leur enfance.
Le président républicain Donald Trump, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un de ses chevaux de bataille, a décidé en 2017 de mettre un terme au programme DACA, le décrétant « illégal ». Il se dit toutefois ouvert à un accord avec l’opposition démocrate pour que ces migrants puissent rester aux Etats-Unis.
Face à l’enjeu, certains d’entre eux ont tenu à être présents devant la haute cour mardi. « Je suis vraiment inquiet », confiait Jose, 26 ans, arrivé en provenance du Mexique à l’âge de 8 ans.
« Le président Obama a dit qu’il n’avait aucun droit légal de signer l’ordonnance (instituant le programme DACA), mais qu’il le ferait quand même », a tweeté mardi matin le milliardaire avant le début de l’audience.
« Beaucoup de bénéficiaires de DACA, plus tout jeunes, sont loin d’être des +anges+. Certains sont des criminels endurcis », a-t-il poursuivi, laissant toutefois la porte ouverte à un accord avec les démocrates, afin que les Dreamers « puissent rester » si la plus haute juridiction des Etats-Unis venait à sonner le glas du programme.
La Cour suprême ne rendra pas sa décision avant 2020, en pleine campagne présidentielle. Si elle donne raison à Donald Trump, les Dreamers ne seront pas forcément expulsés, mais ils redeviendront sans-papiers, avec les complications que ce statut implique.
En attendant, « on est comme sur des montagnes russes », a assuré Angelica Villalobos, une Mexicaine de 34 ans, mère de cinq enfants américains, qui travaille dans un garage de l’Oklahoma.
Avec son mari, arrivé lui aussi avant ses 16 ans aux Etats-Unis par des voies illégales, elle a parlé à leurs enfants « des conséquences possibles » de la décision de la Cour suprême. « Peut-être ne pourrons-nous plus travailler ou conduire, toute ces choses qui font de nous une famille normale », regrette-t-elle.
– « Monnaie d’échange » –
Comme eux, près de 700.000 jeunes migrants « ont passé les douze dernières années au minimum dans notre pays, font partie de nos communautés, de nos institutions », remarque Omar Jadwat, de la puissante association de défense des libertés ACLU.
Pour lui, l’administration Trump a « mis un terme à la hâte au programme DACA (…) en décidant qu’il était illégal » parce qu’il voulait utiliser ces Dreamers comme « monnaie d’échange » avec son opposition démocrate.
De fait, Donald Trump a essayé –en vain– d’obtenir des fonds pour construire un mur à la frontière sud des Etats-Unis en échange de nouvelles protections pour ces jeunes, qui n’ont souvent pas ou peu de souvenirs de leur pays d’origine.
Le droit administratif américain impose au gouvernement de justifier ses décisions avec des arguments raisonnables. Or, les tribunaux ont jugé jusqu’ici que l’arrêt du programme DACA avait été décidé de manière « arbitraire et capricieuse ».
« Nous pensons avoir expliqué notre décision de manière adéquate », a rétorqué Noel Francisco, qui représente le gouvernement devant la Cour suprême. « Nous avons agi de manière légale et rationnelle », a-t-il ajouté lors d’une conférence en septembre.
– « Gagner sur tous les fronts » –
Pour Tom Goldstein, un juriste spécialiste de la Cour suprême, « si le président avait dit +je n’aime pas le programme, je l’arrête+, on n’en serait pas là aujourd’hui ».
Mais selon l’avocat, « il a essayé de gagner sur tous les fronts, en disant que les Dreamers lui étaient sympathiques, mais aussi ne pas avoir d’autre choix que de retirer le programme DACA parce qu’il était illégal », ce qu’il lui faut prouver aujourd’hui.
Au-delà des enjeux pour ces migrants, le dossier a donc aussi « une grande importance pour les pouvoirs du président », relève Steven Schwinn, professeur de droit à l’université de Chicago. Dans son arrêt, la Cour pourrait en effet étendre les pouvoirs discrétionnaires du locataire de la Maison Blanche en l’autorisant à faire ou à défaire une politique sans explication.
Cela n’a pas échappé au principal intéressé. Assurant sur Twitter que Barack Obama n’avait pas le droit de signer le programme DACA, Donald Trump a estimé en octobre que, « si la Cour suprême autorisait le programme à rester en place, elle donnerait des pouvoirs extraordinaires au président ».