Adam Schiff a écrit plusieurs scénarios de films policiers et, dit-il, refusé une offre d’Hollywood. Mais la réalité a dépassé la fiction pour l’élu démocrate de Californie qui supervise l’enquête parlementaire visant à destituer le président américain Donald Trump.
Il y a 30 ans, alors jeune procureur fédéral à Los Angeles, il avait lancé sa carrière avec une affaire déjà digne d’un roman de John Le Carré: le premier agent du FBI condamné pour espionnage à la solde de Moscou.
Le policier, membre d’une unité de contre-espionnage, avait été séduit par une femme russe qui l’avait convaincu de vendre des informations sensibles sur les activités de la police fédérale américaine.
A 59 ans, Adam Schiff veut désormais savoir si Donald Trump, aidé par son entourage proche, a commis un abus de pouvoir en demandant discrètement fin juillet l’aide de l’Ukraine pour attaquer un adversaire politique, puis en tentant de dissimuler les efforts de ce canal diplomatique parallèle.
Le démocrate soupçonne notamment le milliardaire d’avoir conditionné une rencontre à la Maison Blanche avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et quelque 400 millions de dollars d’aide militaire à une « faveur »: que Kiev enquête sur Joe Biden, son possible grand rival lors la présidentielle de 2020.
Plus largement, Adam Schiff, diplômé d’Harvard, s’inquiète des menaces potentielles contre la sécurité américaine si des puissances étrangères disposaient de moyens de pression sur le locataire de la Maison Blanche à cause de ses agissements.
– « Chef mafieux » –
Une perspective qui le guide dans ses fonctions de président de la puissante commission du Renseignement de la Chambre des représentants et, depuis le 24 septembre, de responsable de l’enquête en vue de présenter, au Congrès, un dossier de mise en accusation (« impeachment ») de Donald Trump.
Ne levant jamais la voix, donnant rarement dans l’hyperbole, peu auraient considéré cet homme au visage pâle et lisse comme le « chien d’attaque » des démocrates du Congrès contre le batailleur président républicain.
Ce qui a donné un écho particulièrement fort aux mots choisis par Adam Schiff pour commenter la transcription de l’échange téléphonique controversé entre Donald Trump et son homologue ukrainien.
« C’est comme ça qu’un chef mafieux parle: +Qu’avez-vous fait pour nous? Nous en avons tellement fait pour vous, mais ce n’est pas très réciproque. J’ai un service à vous demander+ », a paraphrasé le parlementaire, élu d’une circonscription de Los Angeles où sont installés de nombreux studios de cinéma.
Furieux, Donald Trump multiplie depuis les insultes à son égard, l’affublant de surnoms moqueurs et demandant qu’il soit « arrêté pour trahison ».
« Il est 100% crapuleux (…) Il est corrompu comme vous ne l’avez jamais vu », a encore tonné vendredi le milliardaire devant la presse, accusant l’ancien magistrat d’avoir « inventé » certains passages de sa conversation avec Volodymyr Zelensky.
– « Mesuré mais percutant » –
D’apparence réservée, Adam Schiff a déjà fait ses preuves d’enquêteur. La présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, l’a décrit comme « logique », « mesuré mais percutant ».
Ce cycliste passionné, qui s’est également essayé au triathlon, rappelle souvent ses premières armes de procureur et son enquête contre l’agent du FBI.
« J’en ai beaucoup appris sur les techniques russes: leur façon d’opérer, qui ils ciblent, les vulnérabilités qu’ils recherchent », avait-il expliqué en mai au site Politico.
Au Washington Post, il a raconté avoir écrit plusieurs scénarios, puisant dans son expérience judiciaire et politique. Son premier script avait attiré l’attention d’un producteur dans les années 1990. Mais il affirme avoir décliné l’offre car il entrait alors en politique.
Au-delà de la vaste enquête du procureur Mueller sur l’ingérence russe dans les élections de 2016, qui a assombri les deux premières années du mandat de Donald Trump, Adam Schiff, en tant que président de la commission du Renseignement de la Chambre, se concentre sur ce qu’il perçoit comme le coeur de la menace: un gouvernement étranger dispose-t-il d’un moyen de faire chanter un haut responsable américain?
« Il revient au Congrès de s’assurer que le président et ses associés travaillent pour les Américains et non pour de mystérieux intérêts personnels ou étrangers », avait-il écrit en avril dans une tribune au Washington Post.