Deux saisons après la victoire de Liverpool contre Tottenham, l’Angleterre accapare à nouveau la finale de Ligue des champions, mais l’affiche programmée le 29 mai entre Manchester City et Chelsea, deux archétypes de clubs soutenus par de richissimes mécènes, fera grincer certaines dents.
Moins de trois semaines après le psychodrame de l’éphémère Super Ligue européenne semi-fermée et sur mesure pour super-riches, deux de ses douze clubs promoteurs se retrouvent en finale de la compétition qu’ils entendaient remplacer à leur profit.
En soi, ce n’est guère surprenant: hormis Bayern-Paris SG l’an dernier entre deux équipes restées à l’écart du projet, toutes les finales depuis 2014 ont mis aux prises des clubs promoteurs de la Super Ligue.
Cela montre bien que cette nouvelle compétition ne visait pas tant à réduire l’incertitude sportive – déjà bien faible – mais davantage à maximiser les bénéfices au profit des propriétaires.
L’initiative avait rapidement fait « pschitt », City et Chelsea étant les deux premiers clubs à quitter le navire.
Mais il n’est pas anodin que, dans un contexte économique rendu encore plus difficile par la pandémie de Covid-19, la Premier League, championnat le plus puissant financièrement, s’en tire le mieux.
Et parmi les nombreux géants du Championnat d’Angleterre, ce ne sont pas non plus n’importe quels clubs qui se retrouveront à Istanbul, le 29 mai, pour en découdre.
Malgré ses échecs répétés et notamment trois éliminations de suite en quart de finale, il était quasi-inévitable que les flots d’argent investis depuis treize ans par Abou Dhabi finissent par offrir une chance de sacre continental aux Citizens.
Abramovitch, le pionnier
Capable de tordre le bras de l’UEFA devant les tribunaux sur la question du « Fair-Play financier », City n’est pas du genre à perdre le sommeil quand il annonce 147 millions d’euros de perte annuelle comme il y a tout juste un mois, en raison des pertes de revenus liées à la pandémie, notamment la tenue des matches à huis clos.
Malgré cela, Pep Guardiola peut bien avoir à sa disposition l’effectif le plus cher au monde, avec une valeur cumulée sur le marché qui dépasse le milliard d’euros selon les calculs de l’Observatoire du football CIES en octobre, il lui a fallu s’y reprendre à cinq fois pour percer ce plafond de verre.
De même, Chelsea a toujours pu compter sur son richissime propriétaire russe Roman Abramovitch pour venir combler les trous quand les comptes menaçaient de basculer trop dans le rouge.
Pionnier dans l’arrivée des propriétaires étrangers fortunés en Premier League quand il a racheté le club londonien en 2003, Abramovitch n’a pas hésité à dépenser 250 millions d’euros l’été dernier pour renforcer l’équipe, pandémie ou pas.
La contrepartie de cet engagement, jamais démenti malgré le retrait de son visa par les autorités britanniques qui l’empêche d’assister à des matches de son équipe à Stamford Bridge depuis près de trois ans, est une impatience féroce.
Portés aussi par la formation
Frank Lampard en a fait les frais cet hiver et les résultats obtenus depuis par son successeur Thomas Tuchel lui ont donné raison, puisqu’il a emmené les Blues non seulement en finale de la C1, mais aussi de la Coupe d’Angleterre – en éliminant City (1-0) en demie -, en attendant mieux. Une belle revanche pour l’Allemand, déjà finaliste de la Ligue des champions l’été dernier avec le Paris SG (défaite 1-0 contre le Bayern Munich) avant d’être évincé à Noël et de rebondir à Londres.
Absent du dernier carré et même des quarts de finale de la C1 depuis 2014, son Chelsea renoue avec le gratin européen en étant aussi porté par une génération de joueurs formés au club comme Reece James, Tammy Abraham ou Mason Mount qui a ôté mercredi soir les derniers espoirs au Real en inscrivant le but du 2-0.
Du côté de City, Phil Foden a aussi pris une dimension incroyable cette saison dans une équipe où il a signé sa première licence à 4 ans.
Tous ces joueurs ont de bonnes chances de faire le bonheur de la sélection anglaise à l’Euro-2020, cet été. Pas mal pour des clubs vus uniquement comme des acheteurs compulsifs!
A tout prendre, les échecs successifs de « Pep » ou le succès de Tuchel avec exactement la même matière première que Lampard montrent bien que l’argent ne fait pas tout. Il rend juste tout possible quand les hommes font leur part du travail.