Six à 11 enseignants ont été kidnappés mardi dans une nouvelle attaque d’une école dans les zones anglophones du Cameroun en proie depuis près de quatre ans à un sanglant conflit entre rebelles séparatistes et forces de sécurité.
Ce nouveau drame survient dix jours après le meurtre de sept écoliers dans une école par des hommes armés, une tuerie attribuée par Yaoundé aux groupes armés sécessionnistes anglophones.
Mardi, l’assaut d’une école protestante, la Presbyterian primary and secondary school, par des hommes non identifiés a eu lieu à Kumbo, dans la région du Nord-Ouest, où les attaques d’établissements scolaires, agressions et enlèvements d’élèves et d’enseignants sont fréquents.
Onze professeurs ont été emmenés par les assaillants, ont indiqué à l’AFP par téléphone le révérend Samuel Fonki, chef de l’Eglise presbytérienne du Cameroun, et Stephen Afuh, président de la PEATTU, un syndicat d’enseignants presbytériens. Mais un responsable des autorités locales, sous couvert de l’anonymat, a assuré à l’AFP que seulement six enseignants étaient portés disparus en soirée.
Interrogé par l’AFP, l’armée et les autorités locales n’avaient toujours pas communiqué dans la soirée.
Dans ces kidnappings, les élèves sont d’ordinaires libérés, ainsi que les enseignants, contre rançon souvent pour ces derniers, mais certains ont déjà été tués par le passé, accusés par leurs ravisseurs de « collaborer » avec le régime.
Ce nouveau drame survient dix jours après le meurtre de sept écoliers un peu plus au sud, à Kumba, dans la région du Sud-Ouest également à majorité anglophone dans un Cameroun largement francophone. Ils ont été tués par balles dans leur salle de classe par des hommes armés, des rebelles séparatistes selon Yaoundé.
L’attaque n’avait pas été revendiquée mais le gouvernement avait affirmé que l’objectif des séparatistes est de « dissuader les parents d’envoyer leurs enfants à l’école ».
A Kumbo mardi, les enseignants ont été enlevés par « des Amba-boys », surnom donné aux rebelles en référence au nom qu’ils souhaiteraient donner à un état indépendant dans les deux régions anglophones, l’Ambazonie, a affirmé à l’AFP le révérend Fonki.
-« Crimes » des deux camps-
« L’école est utilisée comme une arme de guerre dans ce conflit », avait expliqué à l’AFP Ilaria Allegrozzi, chercheuse de l’ONG Human Rights Watch (HRW) pour l’Afrique Centrale, après le meurtre des sept écoliers le 24 octobre.
« Les séparatistes ne veulent pas que les enfants se rendent dans les écoles, institutions qu’ils assimilent au pouvoir central », a-t-elle ajouté.
En novembre 2019, l’UNICEF évoquait état de 855.000 enfants non scolarisés dans les régions anglophones. Environ 90% des écoles primaires publiques, soit plus de 4.100 écoles et 77% des écoles secondaires publiques étaient alors fermées ou non opérationnelles.
Mi-février 2019 déjà, près de 170 élèves d’un lycée avaient été enlevés à Kumbo puis libérés après une journée de captivité, au terme de négociations avec les ravisseurs, qui avaient exigé la fermeture de leur établissement. En novembre de la même année, 90 élèves avaient été enlevés et retenus cinq jours, puis relâchés. Leur école avait aussi été fermée.
Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les groupes armés et les forces de sécurité dépêchées par Yaoundé se livrent une guerre sanglante et les deux camps sont régulièrement accusés par les ONG internationales de crimes commis contre des civils.
En juin, trois militaires ont été inculpés de l' »assassinat » en février de civils, dont 10 enfants, à Ntumbo, dans le Nord-Ouest. L’ONU, elle, avait dénombré 23 civils massacrés dans une attaque qui avait provoqué un tollé international, dont 15 enfants et deux femmes. Après avoir nié de longs mois, le régime de l’inamovible président Paul Biya, au pouvoir depuis 38 ans, avait finalement admis la responsabilité de ses soldats, au terme d’intenses pressions internationales.
Les combats au Cameroun anglophone, mais aussi les exactions et meurtres de civils par les deux camps, selon de nombreuses ONG, ont fait plus de 3.000 morts et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile depuis 2017.