Plantée dans les dunes blondes de l’extrême sud-est mauritanien, un pan de mur blanc marque le futur emplacement du poste de commandement de la force conjointe du G5 Sahel à Nbeikit Lehouache. Les soldats mauritaniens, eux, ont déjà commencé à se déployer.
« J’ai 80% de mon potentiel, soit plus de 400 hommes, et j’espère que d’ici 2 à 3 mois, 120 hommes supplémentaires pourront me rejoindre ici », explique à l’AFP le colonel Sidi Ahmed Ould M’Haimid, commandant du bataillon mauritanien de la force antijihadiste mise sur pied par cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Tchad, Niger) pour tenter de sécuriser leurs frontières.
« Le paysage que vous avez devant nous, c’est le même à 25 kilomètres, côté malien. Rien ne les différencie », fait valoir l’officier en désignant l’horizon sablonneux, piqué de touffes d’herbes sèches. Une immensité désertique propice aux infiltrations de groupes combattants et de trafiquants.
« La menace, ici, ce sont les groupes armés de l’autre côté de la frontière », explique-t-il. Au sud de Nbeikit Lehouache, côté malien, la forêt de Wagadou sert depuis des années de refuge à des jihadistes maliens.
C’est dans cette zone boisée que l’armée malienne et les soldats français de la force antijihadiste Barkhane ont mené le week-end dernier une vaste opération, au cours de laquelle le chef jihadiste malien Amadou Koufa a « probablement » été tué.
Durement frappée par les attentats jihadistes et les enlèvements d’étrangers dans les années 2000, la Mauritanie a engagé une politique volontariste: remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et aide au développement des zones les plus reculées, en particulier aux abords des frontières avec le Mali.
Pour le pays, il s’agit à présent d’éviter la contagion, alors qu’au centre du Mali se concentre l’essentiel des violences qui déchirent le pays.
« La menace n’est pas directe sur notre sol. Mais si le problème prend de l’envergure (côté malien), est-ce que ça ne vas pas déborder sur notre territoire? », s’interroge le commandant du bataillon mauritanien, fort d’une longue carrière dans l’anti-terrorisme.
– Equipements manquants –
A quelques encablures du futur PC de Nbeikit Lehouache, une compagnie motorisée a déjà pris position, dissimulée entre des dunes, à l’affût de mouvements suspects.
En vertu des règles édictées par l’organisation régionale, les pays membres ont un droit de poursuite de 50 km à l’intérieur des terres voisines.
En un an, la force conjointe n’a mené au Sahel qu’une poignée d’opérations transfrontalières avec l’appui direct et logistique de la force française Barkhane, sans réel impact sur le terrain, où elle n’a pas encore croisé le fer avec les jihadistes.
Mi-novembre, le chef de la force conjointe du G5 Sahel, le général mauritanien Hanena Ould Sidi déplorait le manque d’équipements majeurs pour ses troupes, comme les blindés ou les équipements contre les IED (engins explosifs improvisés), alors que les financements internationaux promis peinent à se matérialiser.
Selon le calendrier prévisionnel de l’Union européenne, qui a prévu d’investir 17 millions d’euros en Mauritanie pour appuyer la force conjointe, le PC du « fuseau Ouest » (terme militaire désignant la zone frontalière mauritano-malienne) ne sortira de terre que dans un an.
Les blindés et les équipements anti-IED, eux, devraient être livrés en mars prochain. Tout comme les systèmes d’information, qui permettront notamment au bataillon de communiquer avec les soldats maliens postés de l’autre côté de la frontière.
Malgré ces contretemps, les soldats mauritaniens se tiennent prêts à agir, assure le colonel M’Haimid.
« On s’organise en attendant que Dieu donne de la pluie », sourit-il. « C’est le renseignement et le soutien logistique qui posent problème. Mais je suis prêt à lancer des opérations. En cas de menace quelconque sur notre territoire, j’y vais ».