La cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam, qui concentre sur elle depuis trois mois la colère du mouvement pro-démocratie, a affirmé mardi n’avoir aucune intention de démissionner, après la fuite d’un enregistrement audio dans lequel elle dit vouloir quitter son poste.
L’ex-colonie britannique traverse depuis juin sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. La mobilisation est partie du rejet d’un projet de loi de Carrie Lam qui visait à autoriser les extraditions vers la Chine.
Le texte a été suspendu, mais les manifestants ont élargi leurs revendications pour dénoncer le recul des libertés à Hong Kong et des ingérences grandissantes de la Chine dans les affaires de sa région semi-autonome.
« Je me suis dit plusieurs fois ces trois derniers mois que mon équipe et moi devions rester pour aider Hong Kong », a déclaré mardi matin Mme Lam lors d’une conférence de presse.
Elle a ajouté n’avoir « même pas envisagé » de discuter de sa démission avec le gouvernement chinois. Pékin a la souveraineté sur un territoire hongkongais néanmoins doté d’une grande autonomie qui lui est garantie en théorie jusque 2047 en vertu du principe « Un pays, deux systèmes ».
– « Carrie Lam a menti » –
Mme Lam s’exprimait après la diffusion par l’agence Reuters d’un enregistrement audio où on l’entend la semaine dernière dire qu’elle démissionnerait si elle le pouvait.
« En tant que cheffe de l’exécutif, avoir créé un tel chaos est impardonnable », dit Mme Lam lors d’une rencontre privée avec des dirigeants d’entreprises, selon cet enregistrement.
« Si j’ai le choix », dit-elle en anglais dans l’enregistrement, « la première chose est de démissionner, en ayant présenté de profondes excuses. »
Dans cet enregistrement, Mme Lam explique cependant n’avoir qu’une marge de manoeuvre « très limitée » pour résoudre la crise, qui est devenue une affaire de sécurité nationale et de souveraineté pour le gouvernement central chinois.
A Pékin, le gouvernement chinois a assuré mardi devant la presse qu’il soutenait « fermement » Carrie Lam, par la voix du porte-parole du Bureau des affaires de Hong Kong et Macao, Yang Guang.
Lors de sa conférence de presse, Mme Lam a jugé « inacceptable » la fuite de l’enregistrement, et rejeté les accusations selon lesquelles celle-ci aurait en fait été orchestrée par elle ou son gouvernement.
« Le conflit selon lequel je voudrais démissionner mais ne le pourrais pas n’existe pas », a-t-elle affirmé.
Des manifestants ont accusé la cheffe de l’exécutif de ne chercher qu’à s’attirer de la sympathie.
« Je pense qu’elle voulait que cet enregistrement sorte, elle veut donner l’impression qu’elle est innocente et désolée de ce qui se passe », a estimé Bonnie Leung, un représentante du Front civique des droits de l’homme qui a organisé depuis juin certaines des manifestations les plus massives que la ville ait connues.
« Soit Carrie Lam a menti aux chefs d’entreprises la semaine dernière, soit elle a menti aux Hongkongais ce matin », a déclaré de son côté le député prodémocratie Lam Cheuk-ting.
Hong Kong est depuis trois mois le théâtre d’actions quasi quotidiennes, qui ont parfois dégénéré en heurts entre forces de l’ordre et radicaux.
Les manifestations de ce week-end ont d’ailleurs été parmi les plus violentes depuis juin, avec des jets de briques et de cocktails molotov par des protestataires contre la police, qui a riposté en faisant un usage massif des gaz lacrymogènes, des canons à eau, et en chargeant les manifestants jusque dans les rames du métro.
Plus de 1.100 manifestants ont été arrêtés depuis le début de la mobilisation, y compris des figures du combat pro-démocratie et des députés la semaine dernière.
Pékin, qui affiche un soutien indéfectible au gouvernement hongkongais, a multiplié les menaces et actes d’intimidation, notamment en massant des troupes à Shenzhen, ville voisine de Hong Kong.
« La fin est proche » pour la mobilisation en faveur de la démocratie, a encore averti dimanche soir l’agence de presse chinoise officielle Chine nouvelle dans un éditorial, sans donner plus de précisions.