Les dossiers de six candidats à l’élection présidentielle congolaise, dont celui de Jean-Pierre Bemba, ont été jugés irrecevables par la commission électorale de Kinshasa. L’opposition y voit une « provocation de trop » de la part du pouvoir de Kabila.
Nouvelle passe d’armes entre l’opposition et le pouvoir à Kinshasa autour de la validation des candidatures à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre 2018. La commission électorale (Céni) a rejeté, samedi 25 août, six candidatures sur les 25 qui avaient soumis leur dossier pour succéder à Joseph Kabila. Parmi les candidats recalés se trouvent Jean-Pierre Bemba, trois anciens Premiers ministres dont Antoine Gizenga, Samy Badibanga et Adolphe Muzito, ainsi que Jean-Paul Moka Ngolo et Marie-Josée Ifoku.
Adversaire de poids au président Kabila, l’ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba a été écarté de la course présidentielle, au motif qu’il a été reconnu coupable par la Cour pénale internationale dans une affaire de subornation de témoins. Précédemment, en juin, il avait été acquitté pour des faits de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ses avocats plaident la relaxe dans l’affaire de subornation de témoins, justifiant que Bemba a déjà passé dix années derrière les barreaux, quand la CPI requiert un maximum de cinq ans de prison.
Outre Jean-Pierre Bemba, la Commission a écarté Marie-Josée Ifoku, seule femme sur la liste des 25 candidats à la présidentielle. Elle est recalée pour défaut de nationalité d’origine, d’après la Céni. De même, le rejet du dossier de l’ancien Premier ministre Samy Badibanga est motivé par des questions de nationalité. Autres anciens chefs de gouvernement, Aldophe Muzito a été écarté pour conflit avec son parti et Antoine Gizenga pour défaut de signature. La candidature de Jean-Paul Moka Ngolo a elle aussi été rejetée par la Céni, pour défaut de paiement de la caution électorale.
L’annonce de la Céni, publiée dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 août, a été précédée d’un appel de l’ensemble de l’opposition au président Kabila, pour une « mobilisation générale ». L’opposition exige « que monsieur Kabila et sa famille politique libèrent le processus électoral, en arrêtant de donner des injonctions à la commission électorale », lit-on dans ce communiqué signé par Jean-Pierre Bemba, l’opposant en exil Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi, président du parti historique d’opposition UPDS et dont la candidature a été retenue.
En outre, l’opposition affirme être « en possession d’éléments probants attestant que le pouvoir en place, par l’entremise du ministre de la Justice et de cadres de la majorité au pouvoir », ont donné « des injonctions à la Céni » dans le but « d »exclure plusieurs candidats de l’opposition du processus électoral ».
Au micro de RFI, Ève Bazaiba, la secrétaire générale du MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba, assure que son parti va « utiliser toutes les voies du droit pour réclamer » le droit de Jean-Pierre Bemba à se présenter à l’élection présidentielle et prendra « le peuple et toute l’opinion nationale et internationale à témoin ». La candidature de Jean-Pierre Bemba « faisait trembler la ‘Kabilie’ au point d’instrumentaliser la Céni en vue de l’écarter », poursuit Ève Bazaiba sur RFI. Elle affirme que le ministre de la Justice avait envoyé une lettre « assortie de la liste des noms des personnes que Kabila ne voulait pas voir postuler ».
Cet appel « à la mobilisation générale du peuple congolais afin de résister à cette provocation de trop » va maintenant dépendre de la capacité de l’opposition à rester unie dans sa volonté de dégager Joseph Kabila, qui a renoncé à se présenter à un nouveau mandat présidentiel. Les candidats recalés ont jusqu’au 4 septembre pour faire appel de la décision de la Céni.