Une crise cardiaque survenue pendant un rapport sexuel lors d’un déplacement professionnel peut-elle être considérée comme un accident du travail? Oui, a récemment estimé la justice française.
Cette décison a été rendue par la Cour d’appel de Paris le 17 mai 2019, mais les médias français n’en ont eu connaissance que récemment.
En février 2013, l’entreprise TSO, spécialisée dans la construction et la maintenance de voies ferrées et basée dans le centre-nord de la France, a dépêché un technicien de sécurité pour un déplacement professionnel dans la ville de Meung-sur-Loire, près d’Orléans (centre).
L’entreprise a ensuite reçu un appel de la gendarmerie faisant état du fait que « Xavier » – ainsi identifié dans la procédure judiciaire – « en situation de déplacement professionnel » a été retrouvé « inconscient » dans sa chambre.
« Après enquête des services de gendarmerie, il s’avère qu’il est décédé d’une crise cardiaque le 21 février 2013 vers 22 heures au domicile d’une femme qu’il avait rencontrée, après avoir eu une relation sexuelle avec elle », rapporte l’arrêt.
La Cour d’appel a estimé qu’il « n’est pas contesté que Xavier … était en situation de déplacement professionnel ».
Or, rappelle sa décision, un salarié a droit à la protection prévue par la Sécurité sociale « pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante » — catégorie dans laquelle se range un rapport sexuel, souligne-t-elle.
Sauf si son employeur démontre que le salarié avait alors interrompu sa mission pour des motifs personnels. Ce qu’il n’a pas fait, estime-t-elle, ne justifiant « pas d’un emploi du temps auquel aurait été tenu son salarié ni qu’au moment où le malaise est survenu Xavier … était soumis à des obligations professionnelles précises ».
– Affaire « inédite » –
« C’est à bon droit », ajoute-t-elle, que les premiers juges « ont déduit (…) que le fait que l’accident soit survenu à l’issue d’un rapport sexuel consommé dans un lieu autre que la chambre que la société TSO lui avait réservée ne permettait pas à lui seul de considérer que le salarié s’était placé hors de la sphère de l’autorité de l’employeur ».
Ces premiers juges étaient ceux du tribunal des Affaires sociales, saisis par TSO après que l’Assurance maladie eut décidé de prendre en charge ce décès « au titre de la législation professionnelle ».
Pour l’Assurance maladie, « un acte sexuel relève des actes de la vie courante à l’instar de prendre une douche ou un repas ».
TSO avait dans un premier temps, en 2013, contesté sa décision devant une commission de recours amiable, qui a rejeté son recours, puis devant le tribunal des Affaires sociales de Meaux, en région parisienne, qui l’a à nouveau déboutée en juin 2016.
La société arguait qu' »une relation adultérine avec une parfaite inconnue » était un acte « indépendant de son emploi » et demandait à la justice de constater que ce décès n’était en rien imputable à son travail.
De son côté, Sarah Balluet, une avocate basée à Rouen (nord-ouest de la France), qui a médiatisé cette affaire sur les réseaux sociaux, estime que ce cas « inédit » abaisse le seuil de ce qui peut être défini comme un accident du travail.
« Manifestement en l’espèce, dans la mesure où l’arrêt cardiaque s’était produit dans une situation sans lien avec l’activité professionnelle, cette solution est contestable », a-t-elle commenté sur LinkedIn.
« À mon sens, en se livrant à ces rapports sexuels pendant sa mission, le salarié s’était soustrait à l’autorité de son employeur », a-t-elle expliqué.
« La question que je me pose et que les entreprises se posent maintenant est : est-ce qu’il faut expressément désormais interdire au salarié d’avoir des rapport sexuels pendant sa mission ?… », a-t-elle ajouté.