Le gouverneur de l’Etat nigérian de Zamfara a inauguré mercredi une force d’autodéfense de 2.600 hommes pour lutter contre les bandes armées terrorisant depuis des années le nord-ouest du pays frontalier du Niger, pillant les villages et kidnappant les habitants contre rançon.
Les régions du nord-ouest et du centre du Nigeria, majoritairement musulmanes, sont régulièrement le théâtre de tensions et d’affrontements meurtriers autour de l’exploitation de la terre et des ressources en eau entre communautés, aggravés par la pression démographique et le changement climatique.
L’enchaînement de meurtres suivis d’actes de représailles a exarcerbé une criminalité plus importante dans la région avec des bandes appelées localement « bandits » qui mènent des raids ciblés dans des villages.
Ces « bandits », dont certains sont considérés comme des seigneurs de guerre, multiplient leurs attaques malgré les opérations militaires sur la vaste forêt de Rugu, un de leurs repaires, situé à cheval sur les Etats de Zamfara, Kaduna, Katsina et Niger.
Leurs motivations sont principalement financières, sans revendication idéologique à priori. Mais des alliances entre bandits et jihadistes se sont multipliées et suscitent de nombreuses inquiétudes.
A la frontière avec le Niger, l’Etat pauvre de Zamfara est tout comme ses voisins la cible de « bandits » qui attaquent et pillent les villages, tuent les habitants, réduisent les maisons en cendres et mènent des enlèvements de masse d’écoliers.
Faute d’intervention militaire et policière efficace, plusieurs Etats dans cette région ont formé des groupes d’autodéfense pour se prémunir des attaques de « bandits ».
Certains d’entre eux avaient été accusés d’exécutions extrajudiciaires
Mais ces groupes d’autodéfense font régulièrement l’objet de vives critiques, comme cela a été le cas à Zamfara où ces forces avaient été interdites en 2020, deux ans après l’inauguration d’une milice civile de 8.500 hommes pour lutter contre les vols de bétail et les enlèvements.
Certains d’entre eux avaient été accusés d’exécutions extrajudiciaires de « bandits » présumés, d’encourager les représailles et les meurtres en série, ce qui avait conduit à leur interdiction.
Le gouverneur de l’Etat de Zamfara, Dauda Lawal Dare, présent à la cérémonie de fin de formation de ce groupe d’autodéfense à Gusau, la capitale locale, s’est voulu rassurant.
« Aujourd’hui, la première promotion de 2.645 gardes volontaires communautaires est diplômée », a déclaré mercredi M. Dare devant une foule en liesse, selon les médias locaux, « pour renforcer les forces de sécurité conventionnelles ».
S’adressant à ces hommes en uniforme jaune et violet, il a déclaré qu’après deux mois de formation, ils étaient désormais prêts à « contribuer à mettre fin au banditisme, aux enlèvements et aux vols de bétail ».
Il a reconnu que ces crimes étaient « devenus endémiques depuis plus d’une décennie » et a déclaré que « Zamfara est toujours resté sous les feux de la rampe pour de mauvaises raisons ».
« Ces jeunes gens énergiques et dynamiques ont suivi une formation rigoureuse, un entraînement intensif et ont compris les règles d’engagement pour défendre nos communautés », a-t-il affirmé.
Pour éviter les abus, les gardes ont été formés pour « opérer avec efficacité, dans le respect de la loi et de la dignité des citoyens respectueux de la loi », a-t-il ajouté.
Jusqu’à présent, les efforts de l’Etat de Zamfara pour lutter contre la criminalité se sont révélés infructueux.
Les accords offrant aux « bandits » une amnistie et des primes en échange d’une trêve n’ont jamais tenu et les mesures de rétorsion comme les coupures de télécommunications et les fermetures de stations-service pour entraver les déplacements des criminels ont été inefficaces.
Aussi, la constitution de ce nouveau groupe d’autodéfense laisse sceptiques des analystes.
« Compte tenu de la situation à Zamfara, il y a de fortes chances que le nouveau groupe d’autodéfense suive la même voie », a-estimé Confidence MacHarry, de la société nigériane de conseil en gestion des risques SBM Intelligence, mettant en garde contre l’absence d’un contrôle adéquat et les risques d’une « justice rendue par les groupes d’autodéfense ».
Le président du Nigeria, Bola Tinubu, investi fin mai à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique et de la première économie du continent, est confronté à de multiples défis en matière de sécurité.
Il a promis de faire de la lutte contre l’insécurité « sa priorité absolue », comme l’avaient aussi promis ses prédecesseurs.