Divisés et dans l’impasse depuis la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, les indépendantistes catalans comptent reprendre l’initiative après la condamnation lundi de leurs dirigeants, sur fond de risques de radicalisation d’une minorité.
– « KO » –
« Le mouvement est resté KO » depuis 2017, souligne la chercheuse en sciences politiques Berta Barbet.
Ses leaders avaient promis à leur base une indépendance facile et rapide, ce qui s’est révélé « surréaliste » face à un Etat espagnol totalement opposé à ce projet et à une société catalane divisée sur la question, poursuit-elle.
Madrid avait vertement réagi en suspendant l’autonomie de la région et en destituant le gouvernement de l’indépendantiste Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique, tandis que les autres leaders du mouvement étaient incarcérés, avant d’être condamnés lundi pour neuf d’entre eux à des peines allant de 9 à 13 ans de prison.
Depuis lors, « il n’y a pas eu de réflexion de fond (au sein du mouvement) sur la direction à prendre », explique Joan Botella, politologue à l’Université autonome de Barcelone.
Les indépendantistes sont toutefois toujours aux commandes du gouvernement catalan, dominent le parlement régional et sont à la tête de nombreuses municipalités de cette riche région de 7,5 millions d’habitants.
« Le moral est en berne (au sein du mouvement) mais la force électorale des indépendantistes est toujours là », souligne Berta Barbet.
– Divisions internes –
L’échec de 2017 a fait ressurgir les divergences au sein d’un mouvement qui va de l’extrême gauche anticapitaliste à la démocratie chrétienne.
Et au delà des questions idéologiques, « le mouvement est divisé entre ceux qui veulent aller jusqu’au bout à tout prix et ceux qui ne sont pas prêts à en assumer les risques élevés », estime Berta Barbet.
Carles Puigdemont (Ensemble pour la catalogne, JxC) est partisan de la confrontation avec Madrid tandis que son ancien vice-président Oriol Junqueras (Gauche républicaine, ERC), condamné lundi à 13 ans de prison, fait le pari du dialogue et préfère renoncer à la voie unilatérale tant que les indépendantistes ne représentent que 50% de l’électorat dans la région.
Ces divergences sont pregnantes au sein du gouvernement régional de Quim Torra, coalition entre JxC et ERC, qui a perdu l’appui de la troisième force indépendantiste, la gauche anti-capitaliste de la CUP, qui lui est indispensable pour avoir une majorité.
Même scénario au sein des associations civiles: ANC et Omnium Cultural ont pris une certaine distance alors que les Comités de Défense de la République (CDR), groupes auto-organisés aux méthodes expéditives, ont pris de l’importance.
« Il y a beaucoup de désordre dans le monde indépendantiste, le panorama est très confus. On ne sait pas qui commande et cela bloque tout », juge Joan Botella.
– Réponse à la condamnation –
Les partis et associations séparatistes ont en revanche promis de faire front commun en donnant une « réponse massive » à la sentence judiciaire via « la lutte non violente et la désobéissance civile pacifique ».
De plus, après des années de mobilisations le plus souvent pacifiques, sept militants soupçonnés de préparer des actions violentes ont été placés en détention provisoire fin septembre, ce qui fait craindre la radicalisation d’une frange du mouvement.
– Dialogue rompu –
Dans ce contexte, les tensions ont augmenté entre les séparatistes et le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez, qui les somme de condamner toute violence et les a avertis qu’il n’hésiterait pas à suspendre à nouveau l’autonomie de la Catalogne.
L’arrivée au pouvoir de Sanchez en juin 2018, notamment grâce aux voix des députés séparatistes, avait pourtant permis la reprise du dialogue.
En décembre, à Barcelone, Sanchez et Torra avaient même publié un communiqué commun promettant un « dialogue » pour « avancer vers une réponse démocratique » à la crise catalane. Même si Madrid reste inflexible dans son refus du référendum d’autodétermination réclamé par les indépendantistes.
Mais ce dialogue a été rompu en février au début du procès devant la Cour suprême. En rejetant le budget, les indépendantistes ont précipité la convocation en avril d’élections législatives qui devront être répétées en novembre, en raison du blocage politique.