Le nouveau chef de la diplomatie saoudienne Ibrahim al-Assaf a affirmé vendredi à l’AFP que son pays n’était pas en crise après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, une affaire au retentissement international qui a terni l’image du royaume pétrolier.
M. Assaf, un ancien ministre des Finances arrêté l’année dernière dans le cadre d’une campagne « anti-corruption », a remplacé Adel al-Jubeir dans le cadre d’un remaniement ministériel surprise jeudi, ordonné par le roi Salmane.
Ces derniers mois, M. Jubeir avait vigoureusement défendu le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui tient de facto les rênes du pays, après le meurtre du Saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre.
Ryad nie toute implication du prince héritier dans ce meurtre, dont le royaume continue de subir les retombées, tandis que des médias turcs et américains, ainsi que la CIA, le soupçonne de l’avoir commandité.
« L’affaire Khashoggi (…) nous a vraiment tous attristés », a dit M. Assaf, dans sa première interview depuis sa nomination.
« Mais, tout bien considéré, nous ne traversons pas de crise, nous sommes dans une phase de changement », a-t-il ajouté, en référence aux réformes sociales et économiques engagées par le prince héritier.
M. Jubeir a été nommé ministre d’Etat aux Affaires étrangères, mais son successeur a rejeté que cela puisse être considéré comme une rétrogradation.
« C’est loin de la vérité. (M. Jubeir) a représenté l’Arabie saoudite et continuera de représenter l’Arabie saoudite (…) dans le monde. On se complète », a-t-il dit.
– « Relation excellente » –
Les autorités soutiennent que le journaliste Jamal Khashoggi, un critique du prince héritier, a été tué lors d’une « opération hors de contrôle » de l’Etat, menée par deux responsables qui ont été destitués depuis.
La nomination d’un nouveau chef de la diplomatie fait partie d’une série de décrets royaux annonçant un remaniement ministériel, qui laisse néanmoins inchangés les plus importants portefeuilles, hormis celui des Affaires étrangères.
Âgé de 69 ans, M. Assaf hérite du ministère après une politique étrangère combative menée par le prince héritier avec notamment le blocus imposé au Qatar voisin, une campagne militaire dévastatrice au Yémen voisin et une crise diplomatique avec le Canada.
De plus, l’affaire Khashoggi a mis en difficulté la relation avec l’allié américain, le Sénat américain ayant adopté deux résolutions antisaoudiennes, la première appelant le président Donald Trump à « retirer les forces armées américaines des hostilités au Yémen » sauf celles engagées dans la lutte contre Al-Qaïda, et la seconde « estimant que Mohammed ben Salmane est responsable du meurtre » de Jamal Khashoggi.
Interrogé si son défi majeur serait de réparer l’image de son pays, M. Assaf a répliqué: « je ne dirai pas ‘réparer’ car la relation entre mon pays et une vaste majorité de pays dans le monde est excellente ».
Ibrahim al-Assaf figurait parmi des dizaines de personnalités influentes accusées de corruption et arrêtées en novembre 2017 puis détenues au Ritz-Carlton à Ryad. Il avait repris le travail en janvier 2018 après que « son innocence a été établie », selon les autorités.
– Vieille garde –
Sa nomination à la tête du ministère des Affaires étrangères montre que le gouvernement cherche à intégrer de nouveau la vieille garde expérimentée, qui avait été marginalisée par le jeune prince héritier, surnommé MBS, selon des experts.
« Le roi Salmane veut soutenir son fils en nommant des technocrates chevronnés comme Assaf qui ne sont pas du cercle rapproché de MBS (…) Inclure dans le gouvernement des membres d’une génération plus âgée servira à contrôler certaines impulsions de MBS », a affirmé Becca Wasser, analyste à la RAND Corporation basée aux Etats-Unis.
Ibrahim al-Assaf, qui siège au Conseil d’administration du géant pétrolier saoudien Aramco et du Fonds public d’investissement saoudien (PIF), a indiqué que sa nomination aiderait à apporter de l’expérience financière aux affaires de politique étrangère.
Pour lui, « les relations économiques dominent aujourd’hui les (affaires) étrangères ».