Les Européens disposent d’Airbus Espace, la France et l’Italie de Thales Alania, et en Allemagne c’est une entreprise familiale moins connue, OHB, qui est train de devenir l’étendard de la stratégie nationale dans les satellites.
Dernier exemple en date, l’entreprise de Brême de 2.800 salariés est ressortie parmi les gagnants des commandes passées début juillet par l’Agence spatiale européenne (ESA) pour la deuxième phase de son programme d’observation de la Terre Copernicus.
Sur six satellites prévus, OHB va fabriquer celui conçu pour surveiller les émissions de CO2 produites par l’activité humaine au cours des prochaines décennies, avec l’objectif d’aider les décideurs politiques à prendre des décisions pour les réduire.
« Certaines missions spatiales sont principalement pertinentes sur le plan scientifique, chez OHB on tient aux projets servant les gens au quotidien », affirme Marco Fuchs, président d’OHB, à l’AFP, pour expliquer ce succès.
Même si Thales Alenia Space s’est taillé la part du lion des commandes, OHB se voit dans une « situation idéale » pour participer à la « surveillance permanente de la Terre en termes d’environnement, de climat et de sécurité », selon M. Fuchs.
Le secteur aérospatial allemand, qui a totalisé 800 millions d’euros de commandes dans le cadre de « Copernicus 2.0 », soit 30% de l’enveloppe totale, « est bien équipé pour être compétitif à l’échelle internationale », estime Thomas Jarzombek, chargé de l’aérospatiale au sein du groupe parlementaire du parti conservateur d’Angela Merkel (CDU).
– La famille d’abord –
OHB a été choisi pour la première fois dans le dispositif Copernicus grâce à son aura glanée avec Galileo, l’autre programme phare de l’ESA répondant au GPS américain et pour lequel le groupe allemand a construit une vingtaine de satellites à ce jour.
Ce contrat gagné en 2010 au nez et à la barbe du géant Astrium, filiale d’Airbus, a propulsé le Petit Poucet de l’industrie aérospatiale au rang d’acteur incontournable dans le développement et l’assemblage de satellites.
Tout a démarré en 1982 quand l’entrepreneuse Christa Fuchs a racheté la petite entreprise OHB, pour Otto Hydraulik Bremen, un atelier de réparation navale depuis ses débuts en 1958.
Manfred Fuchs, son mari, ingénieur dans l’aéronautique à Hambourg, intègre l’entreprise en 1985 pour lui faire prendre le cap de l’aérospatiale. Il lèguera en 2000 la direction à son fils Marco, rompu aux finances en tant qu’ancien avocat d’affaires.
Et la famille détient encore aujourd’hui fermement 70% du capital, le reste étant coté en Bourse.
Désormais dans le cockpit, il plaide pour que « l’UE essaye quelque chose de nouveau », en lançant un « programme dans le domaine des télécommunications » pour pouvoir se connecter dans des zones terrestres reculées ou en mer.
L’Europe doit ici « concurrencer les systèmes Starlink de Space X » d’Elon Musk et « Kuiper de Blue Origin » de Jeff Bezos, explique-t-il.
Le commissaire européen Thierry Breton veut d’ailleurs « proposer rapidement » un projet pour que l’UE renforce son autonomie dans l’Internet haut débit, a-t-il affirmé au Figaro.
– Refus de rapprochement –
La crise du coronavirus pourrait toutefois freiner l’élan de l’entreprise familiale, valorisée à 740 millions d’euros et typique du capitalisme germanique basé sur un large tissu de PME.
Elle a renoncé à verser cette année un dividende à ses actionnaires et privé ses salariés de prime de résultat ou d’augmentation de salaires.
D’autres projets sont néanmoins poursuivis comme à Augsbourg, en Bavière, en vue de fabriquer une mini-fusée capable d’envoyer des satellites de petite taille dans l’espace.
Ce projet a été présélectionné mardi avec deux autres en vue de recevoir une subvention du gouvernement allemand. Le site d’Augsbourg avait pourtant dû interrompre ses activités deux semaines fin mai.
Et la société familiale tient à son indépendance. Fabricant également des éléments de grandes fusées, elle refuse le mariage à trois avec Arianegroup et l’italien Avio, pourtant appelé de ses voeux en mars par le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire afin de renforcer l’Europe dans le secteur des lanceurs spatiaux.
« La consolidation d’Arianegroup et d’OHB n’améliorerait pas l’industrie spatiale de l’UE », rétorque M. Fuchs.